- PÉTROLE - Le transport
- PÉTROLE - Le transportMalgré les variations de prix successives qu’il a connues depuis 1973, le pétrole conserve toujours dans le monde une place prépondérante, en tête des différentes sources d’énergie, voisine de 40 p. 100 pour l’année 1992. Cependant, en ce qui concerne l’Europe et le Japon, qui consomment presque 30 p. 100 de la production pétrolière mondiale, le pétrole, en 1992, contribuait pour près de 50 p. 100 du total de l’énergie utilisée, cette proportion n’atteignant toutefois que 40 p. 100 pour la France qui a largement développé son industrie nucléaire.Or il se trouve que, pour une large part, les principales zones productrices sont éloignées des principales zones consommatrices. C’est ainsi que plus de la moitié des 3 130 millions de tonnes de pétrole consommé dans le monde en 1992 ont fait l’objet de transport par mer de zone à zone.Le transport par pipeline a pris également de l’expansion au cours des dernières décennies. Son développement s’explique soit parce qu’il permet de raccourcir considérablement les distances à franchir, soit parce que les lieux de production ne sont pas accessibles par mer, soit pour des raisons de sécurité et, bien entendu, pour l’acheminement vers ou en provenance de l’intérieur des zones de production ou de consommation.1. Le besoin de transport maritime pétrolierL’activité de transport maritime pétrolier n’avait cessé d’occuper une part croissante dans le commerce maritime mondial jusqu’en 1973, puisque, tous produits réunis, elle représentait alors, avec 1 640 millions de tonnes, 52,5 p. 100 du tonnage transporté par mer. À la même époque, cette activité paraissait encore plus importante en l’exprimant en tonnes-milles (tonnes transportées 憐 milles parcourus), puisqu’elle couvrait à elle seule 66,3 p. 100 de l’activité mondiale totale de transport maritime.Depuis lors, l’activité du transport maritime pétrolier a fortement varié. Le transport de pétrole brut a considérablement baissé jusqu’en 1985, croissant à nouveau régulièrement par la suite. Le transport des produits pétroliers, en revanche, a progressé lentement et de manière constante.En 1993, le transport maritime concernant le pétrole brut et les produits pétroliers ne représentait toutefois plus que 39 p. 100 du tonnage total transporté (égal à 4 318 millions de tonnes, toutes marchandises réunies), et 48 p. 100 de l’activité exprimée en tonnes-milles, ce qui constituait encore une part très importante dans le trafic maritime mondial.Bien que les principaux pays producteurs se soient dotés progressivement d’une industrie locale de raffinage de pétrole brut destinée à leurs besoins propres et à l’exportation, la part du pétrole brut exporté et transporté par mer reste largement prépondérante, puisqu’elle représentait encore en 1993 environ 80 p. 100 du tonnage pétrolier total transporté par voie maritime, qu’il soit exprimé en tonnes ou en tonnes-milles. La figure 1 illustre l’évolution du trafic maritime de pétrole brut et de produits pétroliers de 1970 à 1993, exprimé en tonnes.Il s’agit d’un trafic mondial très diversifié, qui peut quelquefois évoluer rapidement. En effet, il dépend directement, d’une part, des besoins des pays consommateurs qui importent du pétrole brut pour le traiter dans leurs usines de raffinage ainsi que des produits pétroliers finis ou semi-finis, et, d’autre part, de la localisation des pays exportateurs. En particulier, des problèmes politiques tels que la crise de Suez ou la guerre du Golfe peuvent le perturber brutalement.Le tableau 1 montre les échanges qui ont eu lieu en 1992 entre les zones exportatrices et les zones importatrices, et la carte (fig. 2) indique pour chaque grande zone géographique les productions, les capacités de raffinage, les consommations et les flux pétroliers. Les variations relatives qui apparaissent entre ces divers éléments entraînent des fluctuations de la distance maritime moyenne à parcourir, celle-ci ayant atteint 6 675 milles en 1976, pour descendre à 4 450 milles en 1985, et remonter à 5 300 milles en 1993.2. L’offre de naviresPour satisfaire leurs besoins de transport, les grandes compagnies pétrolières internationales disposent de leurs propres flottes (environ 35 p. 100 du total) et de navires affrétés à des armateurs indépendants pour des durées supérieures à un an (20 p. 100 du total), le reste de la flotte (45 p. 100) étant affrété au voyage pour des périodes inférieures à un an, voire désarmé ou utilisé en stockage flottant.Ces chiffres évoluent au cours des années, selon la préférence des opérateurs pour les affrètements de durée lorsque les frets sont à la hausse, et le retour à des engagements courts lorsque la tendance est à la baisse.Au 30 juin 1993, la flotte pétrolière mondiale se composait de 3 032 navires de plus de 10 000 tonnes de port en lourd, représentant un tonnage total de 266 millions de tonnes (Mt); 443 d’entre eux, d’un tonnage unitaire supérieur à 200 000 tonnes, représentaient presque la moitié du tonnage total (123 Mt), le plus gros navire ayant un port en lourd de 565 000 tonnes (tabl. 2). À la même date, 230 navires étaient en commande (dont 47 de plus de 250 000 tonnes), représentant un tonnage total de 24 Mt.Le pavillon est l’expression du caractère national d’un navire, et chaque État définit les conditions auxquelles il accepte qu’un navire arbore son pavillon, sa nationalité étant contrôlée à chaque entrée ou sortie de port. Les navires pétroliers peuvent naviguer soit sous des pavillons nationaux qui imposent que leurs propriétaires et les équipages aient la nationalité de l’État du pavillon, soit, depuis les années 1920, sous des pavillons de libre immatriculation qui autorisent les citoyens non ressortissants à y enregistrer leurs navires et à les armer avec des équipages étrangers, ce qui offre de nombreuses facilités financières et fiscales et conduit à une très grande compétitivité. Plus récemment, depuis le milieu des années 1980, un nouveau type de pavillon est apparu pour lutter contre le déclin des pavillons nationaux trop coûteux, et de plus en plus concurrencés par la libre immatriculation. Il s’agit toujours d’un pavillon national, mais qui permet des conditions d’armement moins strictes, en particulier en ce qui concerne l’équipage, qui peut alors être composé en partie de marins étrangers. Il s’agit là d’un second registre, plus communément appelé pavillon bis . Ce cas se rencontre notamment en Norvège, au Danemark, au Royaume-Uni et en France, avec son immatriculation aux îles Kerguelen, qui dépendent des Terres australes et antarctiques françaises.Le tableau 3 analyse par pavillon et par type de propulsion la flotte existante au 30 juin 1993. Le Liberia, Panamá et les Bahamas, pavillons de libre immatriculation, représentent à eux seuls près de 40 p. 100 de la flotte mondiale, alors que les seconds registres, qui se développent, concernent déjà environ 12 p. 100 de celle-ci. La flotte pétrolière française, composée à cette même date de 29 navires de plus de 10 000 tonnes, totalise 3,34 Mt de port en lourd; elle a ainsi considérablement diminué depuis une douzaine d’années et ne représente plus que 1,2 p. 100 de la flotte mondiale.L’âge de la flotte est élevé, près de 50 p. 100 des navires en service en 1993 ayant été construits avant 1977 (dont 44 p. 100 pendant les trois années 1974, 1975 et 1976). Cela s’explique par la crise aiguë qu’a subie le transport maritime à la suite des divers chocs pétroliers, qui ont entraîné une baisse rapide de la consommation, cette crise ayant fortement ralenti les commandes de navires neufs.L’âge limite d’un pétrolier est mal déterminé, car il dépend en grande partie de son degré d’entretien, mais également de l’évolution de la réglementation, qui impose progressivement de nouvelles normes de sécurité. Le renouvellement de la flotte se développe depuis 1991, 13,7 p. 100 des navires en service au 30 juin 1993 ayant été livrés depuis le 1er janvier 1991.À cette flotte mondiale purement pétrolière il convient d’ajouter l’existence d’une flotte de navires mixtes pouvant transporter soit du pétrole, soit des minerais, et dont le tonnage total pour 279 navires atteignait 32 millions de tonnes de port en lourd au 30 juin 1993.3. Aspects techniques et nautiques du transport maritime pétrolierLa construction et la maintenance des navires pétroliers, dont la valeur représente des sommes souvent considérables, particulièrement pour les plus gros d’entre eux, font l’objet de la plus grande attention de leurs armateurs. Les sociétés de classification (comme en France le bureau Véritas), qui disposent de leur propre réglementation, exercent également une étroite surveillance et délivrent des certificats attestant le bon état de navigabilité des bâtiments à l’intention, en particulier, des assureurs maritimes qui couvrent les risques de la navigation. Enfin, l’administration de la Sécurité maritime qui, en France, dépend du ministère chargé de la Mer, assure une surveillance attentive de l’état des navires, en fonction d’une réglementation nationale propre à l’Hexagone, elle-même établie dans le respect des conventions internationales ratifiées par le gouvernement français, après avoir été élaborées au sein d’un organisme international dépendant des Nations unies et connu sous le sigle O.M.I. (Organisation maritime internationale).Les navires pétroliers, notamment pour les plus grands d’entre eux, sont construits dans des chantiers spécialisés. Leur fabrication exige, en effet, des cales de dimensions adaptées dans lesquelles les constructeurs réalisent le montage d’éléments de coque et de structure préfabriqués dans les ateliers, ainsi que celui des divers équipements de propulsion, de cargaison, de navigation et de manœuvre, sans oublier les éléments de superstructure destinés, pour la plus grande part, au logement de l’équipage ainsi qu’aux locaux de centralisation de la conduite et de la surveillance.Les principaux chantiers navals qui, naguère, étaient situés en Europe, et notamment en France, ont été concurrencés par les chantiers d’Extrême-Orient, en particulier ceux du Japon et de la Corée du Sud, qui sont devenus les premiers constructeurs de pétroliers dans le monde.Le navire pétrolier est un bâtiment à coque porteuse, dont les cloisonnements, longitudinaux et transversaux, et le pont unique constituent un compartimentage destiné à recevoir la cargaison. Cette dernière est embarquée au port de chargement par gravité, via des collecteurs dimensionnés, de façon à permettre un chargement en une vingtaine d’heures. En revanche, les opérations de déchargement sont effectuées grâce à l’utilisation de pompes de cargaison, situées sur l’arrière des compartiments à cargaison et fonctionnant en pleine autonomie par rapport à la terre. La capacité de pompage d’un pétrolier de 280 000 tonnes est comprise entre 15 000 et 20 000 mètres cubes par heure, permettant ainsi de limiter la durée des opérations de déchargement à 24 heures.La propulsion de la plupart des navires est assurée par une seule hélice, à l’exception de quelques-uns, plus grands, qui en ont deux, et grâce à une installation de moteurs ou de turbines à vapeur qui fournissent la puissance nécessaire à la rotation de l’arbre porte-hélice. Depuis l’accroissement du coût de l’énergie, les navires à moteurs remplacent de plus en plus fréquemment les navires à turbines, qui ne représentaient plus, en 1993, que 30 p. 100 environ de la flotte mondiale, contre 60 p. 100 en 1982.La puissance de la propulsion est adaptée à la taille du navire pour lui permettre, d’abord, de vaincre les résistances de frottement de la carène immergée ainsi que les résistances de vagues qui se créent à la surface de la mer lors de son déplacement, et ensuite d’obtenir une vitesse optimale qui varie, selon la taille des navires, autour de 15 nœuds environ, c’est-à-dire approximativement 28 kilomètres par heure.Le profil des extrémités avant et arrière de la carène fait l’objet d’études hydrodynamiques poussées, afin de réduire la résistance des vagues et d’obtenir le meilleur rendement de l’hélice. De même, la recherche d’une résistance de frottement minimale conduit à utiliser des peintures autopolissantes, de grande efficacité pour la protection contre le développement de la végétation qui pourrait devenir très rapidement une source de surconsommation de combustible parasitaire très coûteuse.Malgré leur taille, les plus grands navires possèdent des qualités manœuvrières relativement comparables à celles des plus petits, tant en ce qui concerne leur vitesse d’évolution que leur diamètre de giration. Leur inertie, liée à leur déplacement, exige une attention particulière lors des manœuvres en surface restreinte, particulièrement dans les zones de densité de navigation élevée. Petits ou grands, les navires pétroliers, dont l’automatisation des installations de propulsion et de cargaison est très poussée, font également appel à des équipements de navigation les plus élaborés, tels que radars anticollision munis de calculateurs, calculateurs de positionnement par satellites, etc.Le développement considérable de la taille unitaire des navires pétroliers construits au milieu de la décennie de 1970 a été alors la réponse à un besoin croissant de transport, tant sur le plan économique que sur celui de la sécurité, l’effet de taille permettant de réduire – au bénéfice du consommateur – le prix de revient de la tonne transportée dans de grandes proportions. Toutefois, la baisse importante de la demande et la crise aiguë subie par le transport maritime durant une grande partie de la décennie de 1980 a stoppé la construction des très grands navires, d’une taille supérieure à 350 000 tonnes de port en lourd.Grâce aux progrès techniques réalisés dans le domaine des automatismes, de la collecte et de la transmission des informations, et de la fiabilité des matériels, les effectifs des équipages ont pu être réduits de manière significative (moins de trente officiers et marins pour les plus gros navires).Le tableau 4 met en évidence l’évolution des principales caractéristiques des navires pétroliers construits depuis 1921.4. Évolution de la réglementation internationaleLa sauvegarde de la vie humaine en mer, la sécurité sous tous ses aspects et la protection contre la pollution de la mer et des côtes par les hydrocarbures font l’objet de conventions internationales élaborées sous l’égide de l’O.M.I. Les pollutions très importantes qui se sont produites, telles que celles dont furent responsables le Torrey-Canyon (1967), l’Amoco-Cadiz (1978) et, plus récemment, l’Exxon-Valdez (1989), ont amené la communauté internationale à édicter depuis de nombreuses années des règles de construction et d’exploitation des navires de plus en plus sévères, pour diminuer les risques de tous ordres, et les conséquences des accidents.C’est ainsi que la convention Marpol (Maritime Pollution Convention ) de 1973 rendait pour la première fois obligatoire l’installation de ballasts séparés (segregated ballast tanks , S.B.T. ) sur les navires neufs de plus de 70 000 tonnes de port en lourd. Le protocole Marpol de 1978 a étendu cette mesure aux navires de plus de 20 000 tonnes de port en lourd et, pour les navires existants, l’installation de systèmes de lavage des citernes au pétrole brut (crude oil washing , C.O.W. ). Parallèlement à cette réglementation portant sur les procédures opérationnelles, la convention S.O.L.A.S. (Safety of Life at Sea, 1966-1974-1978) a imposé diverses mesures en matière d’équipements de navigation, de protection contre le feu, d’évacuation et de communication. Elle exigea à partir de 1978 l’installation à bord des pétroliers de systèmes de gaz inerte (inert gas system , I.G.S. ) afin de limiter les risques d’explosion.La Convention internationale sur la qualification du personnel de navigation fixe depuis 1978 dans des termes très précis les compétences requises pour l’équipage des navires pétroliers (International Convention on Standards of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers, S.T.C.W.).Les États-Unis, par la place qu’ils occupent comme zone majeure d’importation, jouent un rôle d’entraînement en matière de réglementation maritime. C’est ainsi qu’ils ont promulgué en 1990 une nouvelle loi, dite Oil Pollution Act of 1990 (O.P.A.). Cette loi a principalement prévu l’obligation pour les pétroliers neufs commandés après le 30 juin 1990, qui navigueront dans les eaux américaines, ou jusqu’à 200 milles des côtes, d’être construits avec une double coque, c’est-à-dire avec des doubles parois latérales et un double fond, leur distance étant de 2 mètres pour les gros pétroliers.L’O.M.I. a généralisé à partir de juillet 1993 (date du contrat de construction) ou de juillet 1996 (date de la livraison) l’application de ces règles en les complétant et en les aménageant. En particulier, le double fond, pouvant présenter certains risques lors de l’échouage du navire, peut ne plus être exigé à condition que la conception du navire soit telle que la pression de la cargaison qui s’exerce sur le fond, lorsqu’il constitue une cloison unique entre la cargaison et la mer, ne puisse pas dépasser la pression hydrostatique extérieure de l’eau, ce qui doit empêcher l’écoulement du pétrole brut vers l’extérieur.En matière de réparation des dommages et d’indemnisation des tiers en cas d’accident avec déversement significatif d’hydrocarbures, la réglementation de l’O.M.I. s’est également renforcée. Les deux conventions les plus importantes, la convention de 1969 sur la responsabilité du propriétaire du navire transportant des hydrocarbures et celle de 1971 portant création d’un Fonds international d’indemnisation organisent une réparation des dommages, payée conjointement par le propriétaire du navire et par le propriétaire de la marchandise. Les mécanismes de responsabilité sur lesquels reposent ces textes impliquent le propriétaire du navire, même en l’absence de toute faute, et lui imposent une couverture d’assurance. Il peut s’y ajouter la participation à des plans volontaires qui s’appliquent à chaque fois que les conventions internationales ne sont pas utilisables (Tovalop pour les armateurs et Cristal pour les propriétaires de la cargaison).L’O.P.A. américain a introduit une nouvelle notion, celle de responsabilité illimitée lorsque la faute du navire est manifeste, ce qui pose de graves problèmes aux armateurs et aux compagnies d’assurances.5. Exploitation commerciale des navires pétroliersÀ l’exception des caboteurs pétroliers affectés à un trafic interzone, voire côtier national, et de quelques navires mixtes affectés au transport du pétrole sur certaines traversées, les pétroliers long-courriers assurent un trafic à sens unique, des zones de production vers les zones de consommation. Dans ces zones, ils touchent à chaque fois des ports spécialisés, ce qui les amène à effectuer une traversée sur deux en charge; l’autre traversée se fait sur lest, c’est-à-dire en embarquant dans des compartiments (appelés ballasts), spécialement réservés à cet effet ou préalablement vidés de leur cargaison et nettoyés, une quantité d’eau de mer suffisante pour que l’hélice soit immergée et que le navire soit manœuvrable dans toutes les conditions de temps qu’il rencontrera au cours de sa traversée sur lest.La conduite, tant de la navigation que des installations, est assurée par un équipage de quinze à trente personnes, selon la taille du navire. Cet équipage participe également à l’entretien préventif, aux dépannages éventuels, et assure toutes les fonctions administratives et hôtelières liées à l’exploitation commerciale du navire et à la vie à bord. La compétence requise pour la conduite de ces navires exige des officiers et marins une haute technicité acquise dans des écoles spécialisées et au cours de stages à terre et à bord, non seulement pour la conduite des équipements, mais aussi en vue d’obtenir le plus haut niveau de sécurité et de protection de l’environnement.Le prix de revient du transport est composé des trois types de coûts suivants:– les coûts de capital et les frais financiers liés à l’acquisition du navire, dont la durée de vie moyenne se situe généralement entre quinze et vingt-cinq ans;– les coûts dits d’exploitation, couvrant les dépenses d’équipage, d’entretien du navire, d’assurance et les frais généraux;– les coûts variables de combustibles (les soutes) et de frais de port (pilotage, remorquage, droits de port, frais divers d’escales) directement liés au trafic du navire.Ces coûts peuvent être très différents selon les époques. C’est ainsi que les coûts de capital varient selon la taille du navire et son prix d’achat, qui dépend notamment de la concurrence entre les chantiers navals s’il est acheté neuf (en 1993, le prix d’un 280 000 tonnes avoisinait la centaine de millions de dollars), et de la conjoncture internationale s’il est acheté d’occasion, car il existe un très important marché des navires de seconde main. Les frais financiers dépendent du marché financier et des taux d’intérêt, les primes d’assurance évoluent également en fonction du marché et du nombre d’accidents auxquels les compagnies ont eu à faire face; les soutes ont un prix qui varie avec le prix de l’énergie, en particulier avec celui du pétrole brut, leur consommation étant fonction de la vitesse du navire, etc.Sur le plan juridique, l’affrètement peut revêtir plusieurs formes:– l’affrètement à temps, avec une charte-partie, d’après laquelle l’armateur met son navire et son équipage à la disposition de l’affréteur, moyennant paiement d’un fret mensuel couvrant les frais de capital et les frais d’exploitation; l’affréteur conserve alors à sa charge les frais de combustible et les frais de port directement liés à l’utilisation qu’il fait du navire;– l’affrètement au voyage, avec lequel l’armateur assure un contrat de transport d’un port à un autre, et pour lequel il perçoit un fret devant couvrir les trois types de coûts déjà mentionnés;– l’affrètement en coque nue avec lequel le propriétaire loue son navire à un armateur qui l’arme et l’exploite pour ses propres besoins ou le sous-affrète ensuite à un tiers.Les courtiers d’affrètement, spécialisés dans le transport de pétrole, assurent la vie quotidienne de ce marché des frets. Quel que soit le type d’affrètement, les taux peuvent varier rapidement dans des proportions considérables, qui dépendent directement de l’offre et de la demande de transport maritime et de la situation politique du monde. Dans certaines périodes où les niveaux des frets sont très bas, ceux-ci ne couvrent au mieux que les coûts variables et une part plus ou moins importante des coûts d’exploitation, les charges de capital ne pouvant alors plus être couvertes.À la fin de leur vie, les navires sont vendus à des chantiers de démolition, à un prix qui est fonction de leur poids lège et du cours de la ferraille.6. Perspectives concernant le transport maritimeActivité de transport très spécialisée, le transport maritime du pétrole est intimement lié à l’avenir de la consommation pétrolière, d’une part, et aux échanges qu’elle entraînera entre zones productrices et zones consommatrices, d’autre part.L’équilibre entre la demande et l’offre n’est jamais atteint de manière durable, et les taux de fret qui en résultent sont le plus souvent insuffisants non seulement pour rémunérer normalement cette activité, mais également pour permettre d’acheter des navires neufs, qui représentent des investissements très lourds. Il faut pourtant renouveler la flotte existante qui est vieillissante, d’une part pour disposer de navires de plus en plus sûrs et performants et, d’autre part, pour suivre l’évolution d’une réglementation qui a pour objet la sécurité et le respect de l’environnement et qui est, à juste titre, de plus en plus stricte. Encore faudra-t-il veiller à ce qu’elle soit respectée par tous, ce qui n’est pas encore le cas.La qualité des hommes, aussi bien celle des membres d’équipage que celle des personnels qui exercent les divers services à terre, doit également être assurée par une formation de plus en plus poussée, destinée à réduire encore les risques d’accidents.Se déployant sur toutes les mers du globe, le transport maritime pétrolier se doit d’être un outil fiable au service du pétrole et sans risque pour les hommes et la nature.7. Le transport du pétrole par pipelineC’est aux États-Unis en 1865 que fut utilisée, pour la première fois, une conduite pour évacuer la production d’un gisement. Depuis lors, l’emploi de ce mode de transport des hydrocarbures liquides ou gazeux s’est généralisé, d’abord aux États-Unis, puis dans le reste du monde.À l’heure actuelle, le réseau mondial en service atteint plus de 1 million de kilomètres de conduites, dont près des trois quarts sont utilisées au transport du pétrole brut. Les plus importants pipelines se trouvent, pour le transport du pétrole brut, en ex-U.R.S.S. où le plus long avoisine 5 000 kilomètres pour un diamètre de 48 pouces (environ 122 cm). En ce qui concerne les produits finis, le plus long est installé aux États-Unis (Baton Rouge - Grennsboro) et mesure 6 350 kilomètres. Les débits les plus importants se trouvent au Moyen-Orient, tel le Sumed (Suez-Méditerranée), qui peut atteindre 120 Mt/an.Les grands réseaux de pipelines sont destinés à couvrir plusieurs types de besoins:– dans les pays à la fois grands producteurs et grands consommateurs, la fonction essentielle du pipeline est de relier les gisements de pétrole aux raffineries (cas des États-Unis et de l’ex-U.R.S.S.);– dans les pays grands producteurs et exportateurs, le rôle des conduites est principalement de transporter le pétrole brut depuis les gisements jusqu’à des terminaux de chargement pour navires pétroliers; c’est le cas, notamment, de l’Afrique du Nord, de l’Alaska et du Moyen-Orient, où certains pipelines aboutissent à des ports situés dans des pays étrangers aux pays producteurs d’origine;– dans les grandes régions consommatrices, les pipelines servent principalement à alimenter les raffineries situées dans l’intérieur à partir des ports d’importation du pétrole brut; c’est le cas, en Europe, du pipeline sud-européen, construit en 1962 pour relier Fos-sur-Mer à Karlsruhe; il dessert de nombreuses raffineries situées en France, en Suisse et en Allemagne;– dans des régions intermédiaires, le pipeline permet de raccourcir économiquement les routes maritimes; c’est le cas du Sumed (Suez-Méditerranée) ou du T.I.P. (Trans-Israel Pipeline).Il convient de signaler également la particularité des pipelines immergés, destinés à relier les puits de pétrole offshore aux ports de chargement ou aux zones de consommation (à cet égard, citons le réseau très dense de la mer du Nord).Le développement considérable du transport par pipeline a été une des réponses aux nombreux besoins entraînés par l’accroissement de la consommation des hydrocarbures, d’abord pour des raisons économiques, puis du fait des avantages spécifiques qu’il présente (parfaite adaptation au transport de produit liquide, pertes d’énergie minimales, optimisation de tracé, faible sensibilité au relief et aux conditions géographiques et climatiques, emprise au sol presque nulle et adaptation à l’automatisme).Le pipeline est avant tout constitué d’un tube, la plupart du temps enterré dans le sol, à l’intérieur duquel circule le produit à transporter. C’est la différence de pression qui constitue la force motrice nécessaire au déplacement du fluide. La pression engendrée par les pompes ou par les différences d’altitude peut atteindre des valeurs relativement élevées, de l’ordre de 5 à 10 mégapascals. Les tubes constituant la conduite sont en acier à haute résistance, soudés bout à bout. Des études sont en cours pour remplacer l’acier par des matières plastiques armées de fibre de verre. Des pressions élevées apparaissent quelquefois sur certaines parties du pipeline et l’emploi de stations de protection, constituées de soupapes et de réservoirs, est parfois nécessaire pour éviter d’avoir à utiliser des tubes à parois renforcées. De même, des vannes de lignes sont employées pour protéger certaines zones critiques: traversées de rivières, nappes phréatiques, etc.La construction du pipeline est une opération très coûteuse, qui varie considérablement avec les caractéristiques géographiques de la zone traversée; l’usage est d’en exprimer le coût unitaire en dollars par pouce de diamètre et par mille de longueur. Les dépenses d’investissement peuvent, en effet, varier selon l’importance que représentent, dans ces coûts, les caractéristiques techniques recherchées (diamètre, débit) ou géographiques (zones immergées ou arctiques). La construction proprement dite pose des problèmes de tracé (dont les exigences politiques ne sont pas des moindres), des problèmes de choix des tubes et des problèmes de pose des conduites (préparation et ouverture des pistes, assemblage des tubes, revêtement protecteur du pipeline), puis de remise en état des terrains traversés.Les terminaux sont des ensembles complexes comportant des réservoirs de déchargement et de stockage; les relais de pression sont assurés, en certains points de la ligne, par des stations de pompage.Les pipelines modernes sont exploités en télécommande, avec un haut degré d’automatisation, permettant le fonctionnement de l’ensemble grâce à un personnel relativement restreint. L’exploitation d’un pipeline est caractérisée par sa continuité dans le temps, faisant l’objet de programmes élaborés en liaison avec les clients utilisateurs et d’une gestion au jour le jour.Le prix de revient technique, pour la société gestionnaire du pipeline, est formé d’une part des charges liées aux investissements (amortissements, charges financières), qui peuvent atteindre en moyenne de 50 à 80 p. 100, et, d’autre part, de frais d’exploitation dont les dépenses d’énergie peuvent être les plus élevés, s’ajoutant aux frais de personnel et aux frais généraux. L’usage est d’exprimer ce prix de revient en fonction du débit en tonnes par an du pipeline dont la longueur est, entre autres, un élément majeur de comparaison avec les autres pipelines.Le coût du transport pour l’utilisation d’un pipeline est généralement différent du prix de revient, auquel il y a lieu d’ajouter les taxes imposées par les pays traversés. Mais d’autres facteurs interviennent dans l’établissement du coût du transport, comme les caractéristiques du pétrole transporté (en particulier sa viscosité) et la distance parcourue (partie fixe, plus partie proportionnelle). Certains pipelines particulièrement bien situés (par exemple, le Sumed de Suez à Alexandrie) permettent une diminution importante du trajet à parcourir, par navire notamment; ainsi, ils peuvent bénéficier d’une véritable rente de situation.S’agissant de transport international et au-delà de la comparaison des coûts dont la nécessité est évidente, le choix final entre transport pétrolier par voie maritime ou par pipeline, lorsqu’il se présente, doit également prendre en considération d’autres éléments de décision. À la grande souplesse d’exploitation que procure le navire, dont par définition l’utilisation peut être faite sur toutes les mers du globe, doit en effet être comparée la rigidité du pipeline. Tous les aspects, ceux qui relèvent des domaines de la sécurité politique des zones traversées comme ceux qui sont relatifs à la prévention de la pollution, sont également des éléments de décision dont l’importance doit être appréciée.En effet, dès lors qu’il est construit et qu’il traverse deux ou plusieurs États, le pipeline est un moyen de transport vulnérable, qui peut être interrompu à tout moment par la volonté politique de l’un d’entre eux. C’est ainsi que plusieurs des pipelines situés au Moyen-Orient sont fermés de manière provisoire ou définitive. Les problèmes d’environnement ont également pris une ampleur, qui peut peser lourdement sur la décision de construire et sur le choix du tracé.
Encyclopédie Universelle. 2012.